SUPERMARCHÉ

Ce texte est la retranscription d'un rêve que j'ai fait la nuit du 4 au 5 mai 2017.



J’ai 255 ans et je dois mourir
Du moins, c’est ce qu’on me dit.

Je suis dans un immense entrepôt blanc.
Des gens s’affairent derrière moi.
Ils travaillent autour d’une bulle en plexiglas raccordé à des tuyaux.
À l’intérieur de cette bulle, une sphère noire plus petite.

Je ne vois pas et je ne comprends pas très bien ce qu’il se passe.

Malgré mon grand âge, je vais bien.
Je ne me sens pas vieux, je ne suis pas malade.
Mieux, physiquement, j’ai 30 ans.

Aucune raison pour moi de mourir donc.

Pourtant, étrangement, sur le moment, j’accepte mon sort.

Dans quelques minutes, je serai mort.
Je ne sais pas comment, mais dans quelques minutes, je ne serai plus là.

Soudainement, la peur m’envahit.
Chaque choses sur lesquelles je pose mon regard, je les vois pour la dernière fois et cette idée me dépasse.
Une femme me propose alors de me laisser quelques minutes. Le temps de dire au revoir.
Au revoir à quoi? Je ne me souviens même pas comment je suis arrivé là.

Peut importe, l’entrepôt, grâce à des hologrammes, me permettrait de voir les choses essentielles de ce monde et de le quitter sans regret.

J’accepte ce sursis, mais je veux d’abord savoir comment et pourquoi je vais mourir.
On ne répondra pas à ma deuxième question, mais volontiers à la première :
La bulle qui se trouve en face de moi à le malheureux nom de « cercueil » et je devrai m’y installer, encore vivant, en position fœtale. 
La mort surviendrait au moment où le cercueil se refermerait.

« Et si je ne meurs pas ? »
« Vous finirez par mourir, au moins d’étouffement. Il n’y a rien à craindre, le processus dure au maximum cinq heures. »
« Mais, c’est une torture... »
« Il a toujours était ainsi, ne vous en faites pas, vous mourrez instantanément. »

Je ne sais pas qu’elle est cette résilience qui me permet d’accepter ça.
Pourtant, malgré mes craintes, je la crois et je me prépare.

Je me retourne alors pour prendre ces dernières minutes de vie et partout, autour de moi, un supermarché apparaît au fur et à mesure.
Un supermarché avec des milliers de rayons et des gens apparaissent devant moi.
Je ne comprends pas.

Où sont les paysages ? Où sont les sentiments ? Où est l’amour ?
On me dit que ce n’est pas essentiel et que si je veux voir tout ça, je n’avais qu’à chercher les rayons correspondants.
Le reste, je le vivrai là-bas.
… Là-bas ?!
Une fois mort ?

Je déambule dans le magasin. Ahurie. Sidéré.
Ce sont ça, les dernières choses que je verrai ?
Je lève la tête, pas le ciel, seulement la taule blanche.

Je me réveille enfin.
Je ferme les yeux.
Ma mâchoire se serre... Non.
Je n’accepte plus.

À quoi bon avoir vécu autant de temps, en gardant mon corps d’antan, si c’est pour mourir en ayant rien ressenti d’important ?
Qu’avais-je fait durant ces deux cents ans ?
L’amour réduit à un rayon de supermarché, sans âme, sans passion, sans débordement.

Il était temps pour moi de vivre, ici, pleinement.
De me souvenir cette fois-ci.
Profitant de cette jeunesse, de ces années d’expérience.

Le rêve disparaissant sur une émotion forte et puissante.
Celle d’un nouvel élan.
Celle du changement.

Frédéric Mur, le 5 mai 2017

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